Beaucoup de mes clients qui considèrent sous-traiter ou acheter en Chine me demandent si le pays est un bon choix. Ma réponse est que la Chine n’a jamais été un meilleur choix : ce n’est pas un hasard si les investissements étrangers ont doublé entre 2002 et 2008 et si le pays est devenu le premier importateur de composants fabriqués dans les pays voisins d’Asie. Ces composants sont ajoutés à ceux fabriqués en Chine et y sont assemblés en tirant avantage des bas coûts salariaux mais aussi d’une forte productivité et d’un haut niveau technologique.
En effet, non seulement les salaires sont bas, mais les investissements faits dans le domaine de l’éducation ont permis à la Chine de multiplier par 6 le nombre d’étudiants du supérieur entre 2005 et 2010 et donc de devenir un leader non seulement pour la fabrication à bas coût d’articles simples comme des chaussures ou des vêtements, mais aussi pour les produits high-tech. En fait la première catégorie d’exportation de la Chine est aujourd’hui les produits technologiques à forte valeur ajoutée (d’après la Banque Mondiale, ils représentaient un cinquième des exportations au début des années 2000 et représentent maintenant quasiment un tiers de la production chinoise).
Les analystes du Financial Times viennent de publier un rapport basé sur les derniers chiffres du US Bureau of Labor statistics. Ce rapport détaille avec des chiffres ma réponse basée sur l’expérience. J’en reprends donc ici les éléments clé pour expliquer ma réponse.
La tendance générale à l’augmentation des salaires minimums en Chine et la mise en place de lois sociales de protection des travailleurs a pu faire questionner l’avenir de la Chine comme destination de choix pour l’externalisation de la chaine de fabrication des entreprises occidentales. Cependant, cette augmentation toute relative, s’accompagne d’une forte hausse de la productivité et de la qualité de production qui la compense largement et explique que les investissements étrangers continuent à progresser.
Commençons par regarder à la hausse des salaires. Elle s’explique par plusieurs facteurs. Entre 2002 et 2008 le salaire horaire dans le secteur de la fabrication en Chine a doublé tandis qu’il augmentait de 26 % en France. Malgré cette augmentation, ces salaires minima ne représentent encore qu’environ 4 pourcent des salaires occidentaux. On peut aussi noter une forte différence entre les salaires dans les zones rurales et urbaines. En 2008, environ deux tiers des ouvriers travaillant en zone rurale gagnaient 0,6 euro par heure tandis que le tiers travaillant en zone urbaine gagnait 1,7 euro par heure. Durant la même période, les salaires urbains ont augmenté pour représenter de 2% à 7% des salaires occidentaux tandis que les salaires ruraux sont restés à environ 2%.
Selon les observateurs, la loi cadre sur le travail promulguée par la Chine en 2009 ne va sans doute qu’accentuer cette tendance. Cette loi donne aux ouvriers le droit à un contrat de travail stipulant un maximum d’heures supplémentaires, une sécurité sociale obligatoire et le paiement de leurs salaires dans des délais raisonnables.
D’autres facteurs contribuent à cette hausse du coût du travail : manque de main d’œuvre dans les zones urbaines, lenteur de la migration des zones rurales vers les zones urbaines, bas taux de fertilité et efforts du gouvernement pour améliorer l’éducation.
Si on ne peut que se réjouir pour les travailleurs chinois au vu de cette tendance, il est légitime de se demander si la Chine est un bon choix pour la sous-traitance. En un mot, la réponse est oui.
Je m’explique : d’abord ces coûts salariaux demeurent très bas comparés aux coûts occidentaux, et inférieurs à ceux d’autres pays émergents d’Asie tels que Taiwan et les Philippines. Ensuite, cette augmentation des salaires est largement compensée par l’augmentation de la productivité de la main d’œuvre qui a augmenté d’environ 10% par an depuis les années 90 et encore plus rapidement ces dernières années grâce aux progrès technologiques, à une meilleure éducation et aux investissements dans les infrastructures. Donc, les ouvriers coûtent un peu plus cher, mais produisent beaucoup plus qu’il y a 10 ans. En conclusion, si vous pensez à externaliser votre production à l’étranger pour augmenter votre compétitivité, oui, vous devriez considérer la Chine.